Biographie
"J'ai eu des amis qui mouraient, des amis qui partaient
d'autres qui brisaient leur visage contre le temps.
J'ai haï ce qui était facile.
Je me suis cherchée dans la lumière, dans la mer, dans le vent."
Sophia de Mello Breyner
 
     
     
 

Un parcours particulier pour ce cycle de récitals consacrés à des auteurs portugais contemporains, essentiellement des poètes. De multiples variations au fil des années, de la création au Centre Dramatique National de Bordeaux, en 1993 , aux représentations à Paris, Théâtre de la Vieille Grille, Musée Maillol-Fondation Dina Vierny, Espace Comedia et dans différents lieux d'Ile de France et de province…
Du côté du Tage, Paroles à fleur d'eau," dédié à Sophia de Mello Breyner, une grande figure de la poésie portugaise contemporaine", Fragments d'un regard, Du côté du Tage 2.. ont réuni six auteurs, trois compositeurs, deux musiciens, deux chanteuses, dix comédiens avec les participations exceptionnelles de Gisèle Casadesus, Lucien Pascal, Hugues Quester et, pour certaines représentations, des auteurs Sophia de Mello Breyner et Nuno Judice.
Tables rondes, cafés littéraires, rencontres ont été organisés autour de ces représentations avec des spécialistes de la littérature portugaise, tels Pierre Léglise Costa, José Manuel Esteves, Robert Bréchon.
Poèmes et récits de Sophia de Mello Breyner où se font écho le rayonnement des mythes antiques, l'immensité marine et la quête de ce qui est "au-delà", la transparence, l'harmonie de l'instant où chaque chose a pris sa place avec -toujours- en filigrane "l'immanence du danger". Nouvelles de Maria Judite de Carvalho qui nous révèlent, sous sa prose limpide, avec l'ironie, l'humour, l'évidence poétique qui la caractérisent, le labyrinthe des désirs enfouis, des rendez-vous manqués de personnages pris dans la grisaille du quotidien comme dans une toile d'araignée. Avec ces deux auteurs, les premiers récitals abordaient des visions différentes de la fragmentation du temps, de l'identité, de l'espace…
Suivirent d'autres visions de la fragmentation du monde. L'errance de l'âme et du corps au fil du temps et des mots de Nuno Judice, la force incantatoire d'Antonio Ramos Rosa, l'érotisme où réalité et rêve se confondent de David Mourão-Ferreira, la pensée et les rythmes profonds de l'inclassable Camilo Pessanha.
Aucune représentation n'a été identique, la mise en regard des auteurs et de leurs œuvres composant un puzzle aux combinaisons multiples auxquelles répondaient celles de la musique, du chant et parfois du mélange des langues.
Anne Petit

 
     
     
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
     
     
     
 
 
  © Photos noir et blanc Stéphane Santini  
     
 

"Quand les lumières de la nuit se réfléchiront immobiles sur les eaux vertes de Brindisi,
Tu quitteras le quai confus où s'agitent paroles pas rames et poulies,
La joie aura en toi l'incandescence d'un fruit,
Tu seras à la proue drapée dans les pans noirs de la nuit.
Pas de vent pas de brise rien qu'un murmure de buccin dans le silence…"

Sophia de Mello Breyner Ithaque in / Méditerranée traduction Joaquim Vital, éditions de la Différence
ont été représentés, un choix de poèmes extraits de ce recueil ainsi que de Navigations, de Malgré les ruines et la mort traduction Joaquim Vital Le fleuve et l'écho, éditions de la Différence ; de La nudité de la vie traduction Michel Chandeigne, éditions de l'Escampette et des textes en prose Le silence, Vila d'Arcos in / Histoires de la terre et de la mer ; L'homme, Le voyage in / Contes exemplaires, traduction Alice Caffarel et Claire Cayron, éditions de la Différence.

"… Et c'est cela qui était étrange. Adérito n'allait pas à l'aéroport ou sur les quais pour voir partir les gens. Il n'y allait pas non plus pour le bateau ou l'avion. C'était plus complexe. Il ne savait pas bien lui-même – c'était un homme simple – ce qu'il cherchait dans ces moments-là, sûrement les plus heureux, les plus pleins, les plus complets de son existence sans vie. C'était tout et rien à la fois. La vague odeur de pourriture de cette eau toute proche, sombre, déjà mystérieuse…"
Maria Judite de Carvalho La vie et le rêve in / Anica au temps jadis traduction Simone Biberfeld, éditions de la Différence
ont été représentés, trois nouvelles du même recueil : A contretemps, La mère, Mademoiselle Arminda et un choix de chroniques extraites du recueil La fenêtre en trompe-l'œil traduction Simone Biberfeld, éditions de la Différence.

"L'homme qui parlait tout seul dans la gare centrale de Munich
quelle langue parlait-il? Quelle langue parlent-ils, ceux qui
se perdent ainsi, dans
les couloirs des gares ferroviaires, la nuit, quand plus aucun
kiosque ne vend ni journaux ni cafés? L'homme de
Munich ne m'a rien demandé, il n'avait même pas l'air de
quelqu'un qui avait besoin de quelque chose, c'est à dire qu'il
avait l'air
d'un homme parvenu à cet état ultime
qui est celui de ceux qui n'ont même pas besoin d'eux-mêmes…"
Nuno Judice Image in /Un chant dans l'épaisseur du temps suivi de Méditation sur les ruines traduction Michel Chandeigne, éditions Gallimard
ont été représentés, un choix de poèmes extraits de ce recueil et des Degrés du regard traduction Michel Chandeigne, éditions de l'Escampette.

"La douleur forte, imprévisible,
En me blessant, imprévisible,
Blanche et imprévisible,
A été l'éblouissement
Qui a bouleversé ma vue,
M'a fait perdre la vue,
Et ma vue s'est enfuie
Dans un doux évanouissement…"

Camilo Pessanha Rouge et Blanc in / Clepsydre traduction Michel Chandeigne et Ariane Witkowski, Orphée La Différence
a été représenté, un choix de poèmes extraits de ce recueil.

"T'écrire c'est me préparer à un nouveau jour,
une lutte d'étreintes et de fleurs dans la mer.
T'écrire c'est tomber amoureux de mon premier nom, la terre,
la maison, le sol ; les relier muscle après muscle
jusqu'au goût chaud de ton haleine animale…"
Antonio Ramos Rosa
Le cycle du cheval traduction Michel Chandeigne,
éditions Unes
a été représenté, un choix de poèmes extraits de ce recueil.


Non mon amour…Non, le corps n'est pas tout de chair :
il est aussi eau, et puis terre, et vent, et feu…
Il est surtout ombrage au moment des adieux,
il est vague de pierre à chaque retrouvaille,
au jardin de la mémoire le fugitif
profil du printemps au milieu de l'automne…
David Mourão-Ferreira
Prison traduction Michelle Giudicelli (inédit)
ont été représentés, un choix de poèmes extraits de Vingt et un poètes traduction V..Picon, éditions de l'Escampette, des poèmes inédites traduits par Michelle Giudicelli et des fragments de Maintenant que nous nous sommes retrouvés.

Sophia de Mello Breyner (1919-2004) née à Porto, elle a vécu à Lisbonne. Elle publie son premier recueil de poèmes au début des années quarante et collabore alors à diverses revues. Elle préside à deux reprises l'Assemblée Générale de la Société Portugaise d'Ecrivains. Avant la révolution du 25 avril 1974, elle participe à la fondation du Comité National de Secours aux Prisonniers Politiques et est élue en 1975 députée socialiste à l'Assemblée de la République. Auteur de poésies, de contes, de nouvelles, d'essais, son œuvre s'appuie sur les mythes les plus anciens du monde méditerranéen. "La tragédie, aimait-elle à dire, ne peut être qu'un cri jeté dans la violence du soleil de midi". Elle qui savait si bien dire ses propres poèmes, a écrit plusieurs contes limpides et précis qui font désormais partie des classiques de la littérature pour enfants. Célèbre dans son pays, son œuvre a obtenu de nombreux prix dont le prestigieux prix Camoes pour l'ensemble de son oeuvre en 1999, le prix Max Jacob étranger en 2001...
Maria Judite de Carvalho (1921- 1998) a vécu à Lisbonne. A passé six ans en France et en Belgique dans les années cinquante. De retour au Portugal, elle participe à plusieurs revues. A partir de 1959, elle publie régulièrement romans, nouvelles, récits, chroniques. Son œuvre obtint plusieurs prix dont le Prix Camilo Castelo Branco (1961), le Prix de la chronique (APE 1992, le Prix Virgilio Ferreira (1998 à titre posthume).

Nuno Judice (1949) né en Algarve, critique littéraire, il publie en 1972 son premier recueil de poèmes, il vit en Suisse dans les années 80. Professeur de littérature à l'Université Nouvelle de Lisbonne, fondateur et directeur de la revue Tabacaria il fut également directeur de l'Institut Camoes à Paris. Il publie régulièrement poésie, essais, roman et est traduit dans plusieurs langues.

Camilo Pessanha (1867-1926) il quitte Coimbra à 27 ans pour aller vivre à Macau en Extrême Orient. Personnage légendaire à son époque, il a été salué par de nombreux écrivains dont Fernando Pessoa. Auteur d'un seul livre Clepsydre (première édition 1920), dont les poèmes ont été recueillis par différents admirateurs car il les composait mentalement ayant coutume de les déclamer à ses amis ou compagnons de table.

Antonio Ramos Rosa (1924), né en Algarve, vit à Lisbonne, son premier recueil de poèmes parait en 1958, depuis il a publié de nombreux titres. A une intense activité de traducteur et de critique littéraire. Cofondateur et directeur de plusieurs revues dont certaines ont été interdites sous Salazar, il refuse en 1971 le Prix National de Poésie attribué alors par le Secrétariat d'Etat à l'Information et au Tourisme. Il reçoit en 1988 le prix Pessoa.

David Mourão-Ferreira (1927 1996), né à Lisbonne, a été professeur d'université, journaliste, dramaturge, présentateur de programmes littéraires à la télévision et deux fois Secrétaire d'Etat à la Culture. En 1948, il suit des cours à la Sorbonne à Paris. De retour au Portugal, il participe à la création de plusieurs revues littéraires et fait paraître son premier recueil de poésies A secreta viagem. En 1959, il publie un recueil de nouvelles Gaivotas em terra qui sera adapté pour le cinéma. Il écrit également de nombreux textes pour la chanteuse Amalia Rodrigues. Son premier roman Um amor feliz (1986) a obtenu quatre prix littéraires dont le prix de l'Association Portugaise d'Ecrivains.

 
     
       
 
Mise en scène Anne Petit. Avec : Christophe Allwright, Bevinda (chant), Talou Calvet, Lionel Gossart, Ramon de Herrera (guitare), Emmanuelle Meyssignac, Asayo Otsuka (soprano), Anne Petit, Benoît Schwartz, Alexandre Sorel (piano) et la participation exceptionnelle de Gisèle Casadesus, Lucien Pascal et Hugues Quester. Musique Bevinda, Ramon de Herrera, Dominique Probst, lumière Stéphanie Leclerq, Anne Petit.
   
       
 
 
   
       
     
 

Production T.A.T. avec le soutien du Ministère de la culture : DRAC Ile de France, Centre National du Livre, du Ministère de la Culture (Lisbonne) : Institut du Livre, de la Fondation Gulbenkian, de l'Institut Camoes (Lisbonne et Paris), de l'Institut de Soutien aux Communautés Portugaises (Lisbonne), du C.C.P.F.
Création le 3 novembre 1993 au Théâtre du Port de la Lune, Centre Dramatique National Bordeaux Aquitaine à Bordeaux, en présence de Sophia de Mello Breyner.