"...Ca coule le long de moi des filets d'eau salée et des torrents de larmes qui font craquer mes digues, une émotion désordonnée qui creuse mes rides et me fait vieille tout à coup comme si dans cet instant il y avait toute notre histoire, Carl..." (Lucie)  
     
     
 

Lucie, le matin de son mariage, perdue dans ses listes, dans la course contre la montre des préparatifs du mariage. Lucie qui vacille, s'enflamme, se liquéfie devant Carl, son fiancé rencontré au Mac'Do. Venu l'embrasser à midi moins le quart, il ne reviendra pas à midi vingt… Depuis Lucie ne sait plus où elle en est, aucune liste ne peut mettre de l'ordre dans ce temps éclaté. Comme Sisyphe elle refait à jamais le trajet jusqu'au midi vingt de ce jour-là… depuis combien de temps ? Luc Tartar a une manière bien à lui de parler du terreau populaire du nord. Ses personnages, comme Lucie, traversent la vie et ses turbulences sans filet, habités par l'émotion d'une puissante pulsion poétique dont l'auteur donne toutes les clés au spectateur.
Lucie est seule en scène dans un espace habité par la robe de mariée transfigurée... Emportée dans le tourbillon du verbe à la fois familier et lyrique de l'auteur, c'est à Carl qu'elle s'adresse. Elle se donne toute entière. Moments fous où l'action s'emballe, violence, humour allant jusqu'au burlesque dans le jeu avec les listes qui échappent, se déroulent, s'entassent et peu à peu dévoilent les traces de la sédimentation du temps...

Anne Petit

Lucie perd le contrôle des événements et souvent d’elle-même, elle est tabassée par ses émotions mais elle fait face à l’adversité. J’ai beaucoup de tendresse pour ce personnage qui se démène en plein cauchemar. Lucie porte en elle mes autres personnages et tous mes thèmes de prédilection : la vie, la mort, la guerre, la mémoire, bref, les cicatrices que laissent les autres en nous, les failles de l’espace et les blessures du temps...
J’écris un théâtre qui n’est ni réaliste, ni psychologique. C’est un théâtre du cauchemar, un théâtre de la catastrophe, dont la langue est tour à tour lapidaire et hémorragique, langue de la suffocation et langue du cri, qui mélange des répliques brèves comme des coups de couteaux et des passages dans lesquels la douleur déferle.

Luc Tartar

 
     
     
 
 
 
 
 
 
 
 
     
     
     
     
 
 
  © Photos Stéphane Santini  
     
 

"… à propos de la "robe nuage", de cette "âme envolée", suspendue, arrêtée dans son envol : cette idée exprime bien la notion non pas d'éclatement mais plutôt de séparation. Une séparation violente de "l'âme" et du "corps", du rêve de bonheur et de la réalité du drame. Drame que Lucie refuse et rejette. Alors elle cherche son amour en elle mais aussi dans le rituel. Le rituel du geste, le rituel de la mémoire, le rituel du préparatif. Elle cherche, fouille, gratte… Et lorsqu'elle trouve la housse dans les décombres, c'est un cadavre qu'elle extirpe et là, la "jonction" qu'elle fait avec le nuage prend du sens et les perturbations du sol, les turbulences dont elle est à la fois l'auteur et le sujet montreront aussi bien son désespoir que sa force…."
Kays Rostom (notes sur la scénographie)

"Il est l'heure, je rentre dans la salle, me pose sur mon fauteuil, le rideau levé, le décor posé, la comédienne déjà en position. Elle est assise sur son tabouret, immobile, telle une plante verte sur son guéridon. C'est Lucie, pas notre Lucie mondialement connue, morte il y a des milliers d'années. C'est juste Lucie, posée là, dans sa petite robe rouge. Le rouge de l'amour, le rouge du sang , le rouge de la mort. Elle nous tourne le dos, démunie, mise à nu. Lucie le matin de son mariage. Lucie vient nous raconter son histoire…
Une Lucie émouvante, une Lucie heureuse… Une Lucie amoureuse qui prépare son mariage, avec ses listes qui n'en finissent plus... Quelques phrases , quelques mots lunaires, viennent s'enchevêtrer à son histoire. Est ce la folie qui l'habite? Ses phrases comme suspendues à un fil reviennent tout au long de la pièce, et petit à petit, je comprends, je comprends tout.
Sa rencontre, son amour, son mariage et cette fin tragique.
De grands rouleaux de papier et de tissus étalés sur le sol, deviennent alors, liste de mariage, de courses, robe de mariée. Au dessus de la scène, trône un énorme nuage qui prend des teintes rougeoyantes, bleutées ou simplement blanches selon l'humeur de notre Lucie.
Je dis "notre Lucie" car au fil de la pièce, on s'attache à ce petit bout de femme qui nous fait vivre par son histoire jusqu'à en avoir les larmes aux yeux… A t'elle la tête dans les nuages? Rêve-t-elle? Est ce le paradis?.... Non! Coup d'éclat pour le final. … (chut!…) … Luc Tartar m'a envoutée avec sa pièce troublante et ses mots à la fois familiers et lyriques."

Une spectatrice (élève au conservatoire d'Art Dramatique du Kremlin-Bicêtre)

Luc Tartar est écrivain, comédien, boursier du Ministère de la Culture et du CNL. Il a notamment écrit pour le théâtre Les Arabes à Poitiers, La bonne franquette, Terres arables, Petites comédies de la vie, En voiture Simone, La dame blanche, Papa Alzheimer, Estafette-Adieu Bert (lu au Studio Théâtre de la comédie française dans le cadre de "Premières lignes"mars 2006), Parti chercher pièces éditées aux Editions Lansman ainsi que Lucie ou le fin mot de l'histoire. Il a fêté en décembre 2006 ses dix années d'auteur associé au Théâtre d'Arras. Son premier roman, Le marteau d’Alfred, est publié aux Editions de l’Amandier.

 
     
       
 
Mise en scène Anne Petit. Avec : Talou Calvet. Scénographie Kays Rostom, musique Ramon de Herrera, enregistrée au saxo par Jean-Pierre Bariglioli, costume Evelyne Moisson-Bonnevie, réalisation décor Evelyne Moisson-Bonnevie et Kays Rostom, lumière Anne Petit et Kays Rostom.
   
       
 
Fiche technique disponible
   
       
     
 
Co-production T.A.T.-Théart', ECAM Le Kremlin-Bicêtre, avec l'aide à la création du Conseil Général du Val de Marne.
Création le 2 février 2006 à l'ECAM Le Kremlin-Bicêtre puis Théâtre d'Arras (mars 2006)